Sujet de thèse

Bailly Alemu Claire

La Jeunesse agricole catholique dans le milieu rural jurassien des années 1930 aux années 1960. Prosopographie des militants et aumôniers du mouvement JAC

Thèse pour le doctorat d’histoire
Directeur : Jean-Luc Mayaud
Année d’inscription : 2010
Contrat doctoral – allocataire Lyon 2

Projet de thèse

La Jeunesse agricole catholique (JAC) intéresse différentes sciences sociales, de l’histoire à la sociologie en passant par les sciences de l’éducation ou les sciences politiques. En effet, nombreux sont les chercheurs susceptibles de s’interroger sur le mouvement qui aurait été l’un des principaux acteurs de l’entrée de l’agriculture dans la « modernité » économique, de la transformation des « mentalités » rurales, de l’animation culturelle du milieu et de la formation d’une nouvelle élite paysanne. Également le mouvement interroge les spécialistes de la religion autour de la spécificité philosophique qu’il a développée et dans ses rapports à l’institution ecclésiastique.

En effet la JAC est avant tout un mouvement d’Église : c’est une branche de L’Association française de la jeunesse catholique, créée en 1886, qui s’est développée sur les principes du catholicisme social définit par Léon XIII pour permettre aux jeunes laïcs de s’engager « en chrétien » dans l’action sociale

Celle-ci est créée en 1929 sur deux constats : « la terre se meurt » et la France se déchristiannise. Ces deux phénomènes seraient liés : « la civilisation paysanne » déclinerait physiquement parce que les valeurs et la morale catholique seraient en perte de vitesse.

La JAC est proposé comme la solution à cette « dégénérescence » dû à la modernité. Par son action apostolique elle vise alors à rendre sa « vertu » à la paysannerie et par la formation agricole qu’elle propose, à constituer une élite capable de préserver un tissu rural catholique et dynamique.

Entre 1930 et 1960 le mouvement s’oriente peu à peu vers la formation professionnelle et culturelle des jeunes, vers l’animation du milieu rural et développe une philosophie et une pédagogie qui lui sont propres.

Ces différentes initiatives en matière d’éducation, de formation, de loisirs ou de religion, ajouté au fait qu’elle devient un mouvement de masse fortement ancré dans le milieu rural national, véhiculent d’elle une image de « seconde école ».

Surtout la JAC recèle maints paradoxes et soulève plusieurs interrogations : en effet comment comprendre qu’un mouvement aux objectifs missionnaires et conservateurs, du fait du désir de préserver « la civilisation paysanne », soit devenu le fer de lance du progressisme agricole? Et comment un mouvement très hiérarchisé et uniformisé a t-il pu produire des courants et des hommes ayant par la suite pris des orientations fondamentalement différentes ?

Pour nous qui ambitionnions de comprendre l’évolution sociale et culturelle du monde agricole et rural en étudiant des acteurs engagés dans les transformations, la JAC s’avère être un sujet particulièrement pertinent, d’autant plus que peu de travaux ont traité de la question : en effet, depuis les années 1950, la majorité de la littérature produite sur le sujet relève de l’auto-histoire, qu’il s’agisse de souvenirs ou d’analyses à posteriori d’anciens acteurs de la JAC, ou du MRJC.

Pour notre part nous tenterons de renouer avec une approche sociale du mouvement en étudiant avant tout les parcours individuels de ses acteurs dans le cadre de suivis longitudinaux. Qu’il s’agisse des responsables, des militants, des sympathisants, des suiveurs épisodiques et des aumôniers du mouvement, il nous semble en effet qu’un suivi des acteurs et une mise en perspective avec les parcours des « non-jacistes » est un moyen optimal pour mesurer le poids de la JAC dans le milieu rural, comprendre ses modalités d’actions, rendre compte de sa signification et surtout éclairer une large part du militantisme rural du Xxème siècle.

Pour ce faire nous avons décidé d’opter pour une démarche prosopographique pour serrer au plus près les individus, saturer au maximum les informations les concernant afin de brosser une sorte de portrait collectif qui tienne compte de l’individualité des parcours et des expériences. En optant pour une étude sociale fine, nous tenterons d’approcher au plus près les mécanismes et les enjeux de l’engagement au sein du mouvement jaciste.

Également il convient d’articuler les individus entre eux, observer ressemblances et dissemblances, interactions et relations, pour rendre compte des logiques réticulaires et si possible des sociabilités qui peuvent exister dans le groupe repéré. Par la réalisation de bases de données et la constitution de notices biographique nous comptons ainsi mettre en évidence les principales caractéristiques des jacistes tout en rendant compte de leurs spécificités individuelles et de leurs trajectoires et les comparer à celles des individus qui n’ont pas été engagés dans le mouvement.

Évidemment, il convient de restituer ces parcours individuels à la fois dans leurs cohérences, leurs divergences ou leurs ajustements avec le discours et les pratiques véhiculées par la JAC et également, dans leurs associations ou oppositions à d’autres types d’acteurs sociaux et aux contextes professionnels, religieux et politiques.