Axe 1
Axe 4 : Vivre et réinventer le rural
Animation scientifique : Agnès Bonnaud (Lyon 2) et Claude-Isabelle Brelot (Lyon 2)
L’axe 4 est un axe émergent dont la création vise à rendre plus visibles des recherches menées jusqu’alors par des membres du LER à la marge d’autres axes. Il prend à contre-pied la mort annoncée du rural comme espace de vie. Ce questionnement naissant apparaît opportun au LER qui, depuis sa création, s’est toujours refusé à assimiler le rural à l’agricole et à accepter la dissolution du rural dans la métropolisation généralisée de la planète. Cette thématique nous semble essentielle pour la compréhension des réalités rurales conçues comme des systèmes complexes, ancrées dans une histoire et interdépendantes des villes.
Dans le long terme, l’étude historique décrit les inventions et réinventions successives de la ruralité, avec le souci, grâce à la méthode micro-historique, d’échapper aux points aveugles des représentations et de restituer la plus grande part du tableau complexe des sociétés rurales. L’ouvrier des « industries en sabots », au fil des cycles successifs de l’industrialisation rurale, l’épicière du café-restaurant villageois, le notable citadin qui fait de sa villégiature une thébaïde, en sont autant de figures, actrices du désenclavement et de l’innovation dans les espaces ruraux. Si l’étude de ces figures constitue le socle originel du LER, des directions de recherche sont de nature à renouveler et à compléter ces approches.
Plus tardivement, depuis la fin des années 1970, le renouveau démographique des espaces ruraux et de la campagne comme lieux de loisirs conduit à réévaluer le poids des « non » agricoles dans la société rurale et à se pencher sur les modes de vie et sur les modes d’habiter des nouveaux résidents, sans oublier la question de l’accès aux services. Les problématiques du genre, de l’habitat et du mode de vie renouvellent ainsi la connaissance des populations rurales non agricoles, tout en favorisant fortement la collaboration entre historiens, ethnologues et géographes du social. Espace de vie, le rural « relié » (et parfois « mal relié ») ne l’est pas moins. Si l’espace péri-urbain fait l’objet de nombreuses études géographiques, tel n’est pas le cas en histoire.
L’observation du mouvement de « retour » de citadins à la campagne pour changer de vie et d’activités est centrale pour l’analyse géographique. Quelles en sont les formes anciennes et actuelles, les modalités, les finalités ? Quels risques de précarisation, voire d’exclusion comportent-elles, notamment pour certaines femmes qui peinent à retrouver un travail qualifié sur place de façon à concilier emploi et vie de famille ? La précarisation, voire l’exclusion, se mesurent aujourd’hui également avec les difficultés d’accès aux services en milieu rural et les soucis budgétaires face à l’acquisition du logement et aux coûts de transport… La précarité, voulue ou subie, doit aussi être interrogée dans les rapports ville-campagne : les espaces ruraux peuvent être aujourd’hui revendiqués comme marginaux et recherchés comme tels.
Au-delà du phénomène de la périurbanisation, un autre facteur invite à poursuivre la réflexion sur le sens et la place des « campagnes » actuelles : la généralisation du concept de métropole dans les réflexions sur les territoires de demain. Associée à un redécoupage presque généralisé des territoires institutionnels de l’action, sous une impulsion volontariste et descendante, la mise en avant des métropoles est une invitation à redéfinir le sens et les fonctions des territoires qui n’en sont pas. L’enjeu est ici de dépasser une délimitation par défaut, en valorisant les nécessaires interdépendances territoriales, susceptibles d’accentuer les spécificités des uns et des autres. Quelles seront les conséquences de cette recomposition territoriale forcée, qui change les cadres institutionnels et politiques, mais aussi les représentations des territoires de l’action ? Comment penser des territoires administratifs porteurs de véritables projets de développement et comment dépasser le principe d’uniformité pour doter les espaces ruraux d’un maillage administratif en adéquation avec les réalités historiques, sociales, économiques et culturelles ? Effet de mode ou réalité, la métropolisation de la France oblige à « vivre le rural » différemment, de manière revendiquée ou par défaut, dans l’acceptation d’une mise à la marge ou la recherche d’une centralité spécifique.
Ainsi, les « campagnes » et la société toute entière ont été et sont traversées par de profonds bouleversements qui affectent les modes de vie, interrogent la spécificité des territoires ruraux et invitent au renouvellement des modèles de développement en place – ce qui, pour le LER, offre une opportunité précieuse d’associer formation et recherche, action et réflexivité. La créativité observée dans certaines zones révèle l’aspiration à un mode de vie renouvelé, mais aussi l’existence de ressources nombreuses et la nécessité de mobiliser les ressources de l’innovation et de la créativité pour faire face aux ruptures à venir.