Sages-femmes : protection et couleur du métier
Les sages-femmes travaillent majoritairement en établissement de santé privé ou public (un peu plus des deux tiers de la profession). Elles réalisent des accouchements, des consultations ante et post-accouchement, des séances de préparation à la naissance et des tâches administratives. Comme pour tout personnel soignant, leur métier impose le port de tenues de travail, de différents types. Notre immersion s’est déroulée au cœur d’une maternité de niveau I, pratiquant environ 1000 accouchements par an et où travaillent une vingtaine de sages-femmes.
L’activité technique, les codes vestimentaires, la relation et l’humain
Les tenues vestimentaires des sages-femmes participent de la prévention de la transmission des infections en milieu de soins. Variées dans les couleurs, elles sont différentes selon les gestes ou activités pratiquées : obstétricale, maïeutique et relationnelle. Les tenues vertes ou bleues représentent des protections par excellence : charlotte, chausson, masque, gant et sur-blouse jetables sont le quotidien des sages-femmes. Mais ce sont des vêtements temporaires, car s’ils protègent, dans le même temps, ils entravent une partie de leur travail. Ils sont donc utilisés pour les actes les plus techniques et les plus risqués d’un point de vue sanitaire ; ils contraignent à vivre le travail d’accompagnement à l’accouchement dans la sueur et la moiteur, une activité qui marque le corps mais également les tenues dont on comprend l’usage unique. La tenue vestimentaire le plus souvent portée par une sage-femme est celle des personnels soignants. Blanche, elle se mêle aux autres tenues des personnels de la maternité, mais cette uniformité apparente ne masque pas les hiérarchies à l’œuvre dans l’hôpital. Les tenues blanches permettent une plus grande facilité de mouvement, nécessaire pour la réalisation des actes les plus habituels : un soin, une vérification ou un échange, qui passe notamment par la communication, des gestes, le toucher.
Vêtements de travail et préventions des risques liés aux soins
Les professionnel.les de santé sont exposé.es aux risques de contact, de projection de sang ou de produits d’origine humaine. Il s’agit de limiter le risque infectieux lié à la transmission croisée des micro-organismes et d’assurer la protection du patient comme du soignant. Le Code du travail contient des dispositions sur les risques biologiques. Circulaires, recommandations, « précautions standard » et « complémentaires » précisent les mesures de prévention des infections associées aux soins. Ces textes imposent aux soignant.es le port d’une tenue professionnelle propre, adaptée et dédiée à l’activité pratiquée, d’avoir les avant-bras dégagés, les ongles courts, sans vernis, de ne pas porter de bijou (bracelet, bague, alliance, montre). Pour protéger le/la soignant.e, lui seront fournis, en complément de la tenue de base, des équipements de protection individuelle (EPI), tels que gants, tablier ou sur-blouse à usage unique, lunettes de sécurité ou visière. Ainsi, le masque (chirurgical), vêtement de travail des professionnel.es de santé, sera un dispositif médical en ce qu’il est destiné principalement à protéger le/la patient.e et un EPI (masque FFP) dès lors qu’il concerne la protection du ou de la soignant.e qui le porte.
Émotions (dé)masquées
En discutant avec les sages-femmes, j’ai appris qu’elles considéraient le vêtement comme une protection, pour elles comme pour les patientes, mais aussi qu’elles trouvaient que ce vêtement était parfois une entrave à leur métier, un métier qui tourne énormément autour de la relation à l’autre. Qu’une blouse peut faire peur. Qu’une charlotte est désagréable trop longtemps sur sa tête. Qu’un masque empêche de faire passer certaines émotions. Ces échanges ont fait naître une image dans ma tête (cela arrive souvent chez les photographes !), une image que je voulais faire exister. J’ai cherché un moment qui montre cette attention à l’autre, si particulière à ce métier. Sur cette photo, le vêtement n’est pas « raccord » : elle est en soin donc elle devrait porter du blanc pourtant elle est habillée en bleu, et elle ne porte pas le masque. D’après moi, on ressent ici ce qui fait sens pour elle dans son métier, et c’est précisément ce lien invisible mais presque palpable, un lien sans fard ni masque.
Dialogue et distance
dans le croisement des regards
Réaliser des observations et des prises de vues dans une maternité est a priori chose aisée. Les sages-femmes accueillent favorablement ce type de démarche, d’autant plus s’il s’agit de rendre compte de leur activité, trop peu visible à leurs yeux. Pour autant, deux limites s’imposent, au chercheur et peut-être davantage encore au photographe, dans les scènes observables : les gestes médicaux, techniques et de soins d’abord, la protection de la vie privée de la femme et du nouveau-né dans le contexte intime de l’accouchement ensuite, le consentement celle-ci et de son/sa partenaire devant être préalablement recueilli. Ainsi, comprend-on la difficulté d’accéder à la salle d’accouchement, d’assister à une naissance… Pour autant, concernant le vêtement, les traces ne se dérobent pas. Dans les vestiaires, les bureaux, les couloirs, les chambres ou la salle des soignants, à différents moments de la vie professionnelle des sages-femmes, les tenues vestimentaires qu’elles portent sont autant d’indices de leur métier.