Protection Judiciaire de la Jeunesse : s’habiller pour tisser des liens
Au sein du ministère de la Justice, la direction de la Protection Judiciaire
de la Jeunesse (PJJ) assure le suivi des mineur.es et des jeunes majeur.es poursuivi.es ou condamné.es en justice.
Le travail d’accompagnement dit « en milieu ouvert » consiste à suivre ces jeunes, dans leur lieu de vie habituel, par une prise en charge dans des unités éducatives, au cours de rendez-vous au bureau, ou par des visites à domicile. Le suivi en « milieu fermé » est assuré au quotidien dans un établissement de placement, un centre éducatif ou un établissement pénitentiaire pour mineur.es.
Un « je m’habille comme je veux paradoxal »
« J’ai un style « passe partout » mais je fais quand même un effort vestimentaire quand je sais que je vais au tribunal, vis-à-vis du jeune, la juge au tribunal elle est avec sa robe comme les avocats et je me dis que l’éducateur fait aussi partie de ce décorum » (Éducateur). Aucune note officielle ne régit la tenue vestimentaire des professionnel.les de la PJJ lors de l’accompagnement des jeunes. Si les éducateurs et les éducatrices disent se sentir libres de s’habiller comme ils/elles veulent, cela ne les empêche pas d’être conscient.es des significations portées par les vêtements. Le mot d’ordre est qu’ils ne doivent pas être un frein à la relation éducative. La proximité des professionnel.les et des jeunes suivis dans des univers clos et sous contraintes, comme cela peut être le cas dans un foyer d’hébergement ou un centre pénitentiaire, questionne la place du vêtement dans la relation éducative. Par exemple, le jogging peut être pratique pour se déplacer et intervenir dans des situations de violences. Il peut également être utile pour créer une certaine proximité relationnelle avec les jeunes en reprenant des codes vestimentaires partagés. Il sera subi quand une éducatrice dira, ou s’entendra dire, qu’il est préférable de s’habiller de manière dite « neutre », en évitant les tenues dites trop féminines. Ces dernières peuvent être perçues par certains collègues ou jeunes comme « provoquantes » et conduire à des remarques sexistes ou à caractère sexuel, voire dans de plus rares occasions, à des agressions physiques.
Laïcité et vêtements neutres des professionnel.les
Le vêtement des éducateur/trices ne fait pas l’objet de dispositions spécifiques, à la différence d’autres personnels de la justice, tels les magistrat.es dont le costume d’audience est réglementé. Cependant, comme fonctionnaires, les agents de la PJJ sont soumis, dans l’exercice de leurs missions, à un devoir de neutralité qui découle du principe constitutionnel de laïcité, règle d’organisation de l’État et de ses rapports avec la/les religion.s. Pour les éducateur/trices, l’interdiction du port de signes religieux ostensibles ou de tenues vestimentaires affichant les convictions religieuses garantit liberté de conscience et égalité de traitement des enfants ou jeunes mineur.es qui leur sont confié.es par l’autorité judicaire. Une tenue neutre pour ne pas influencer, pour ne pas signifier de différence, pour accueillir quelle que soit l’appartenance culturelle ou religieuse. Une exigence de neutralité dans la relation éducative au service de la protection de l’enfance vulnérable, y compris de l’enfance dite délinquante.
Regarder ensemble
Cette série d’images s’inscrit dans une démarche plutôt documentaire, à la manière du reportage classique en photographie. Il s’agit de mettre en avant une profession en montrant les différents temps qui composent la journée d’une équipe de la PJJ. En amont, la discussion avec Cédric, le sociologue qui dispose d’une connaissance approfondie du terrain, est cruciale. Elle permet de ne pas photographier ce qui attire de prime abord, l’anecdotique ou l’exotique. Une fois sur place, je pars de ce que je connais déjà et je parle avec les éducateur/trices de la PJJ sur leur manière de voir leur métier et de le représenter. Cela permet de faire connaissance, de s’apprivoiser, dans l’idée, ensuite, de me faire oublier pour laisser les situations classiques advenir. Délicat d’être dans un bureau de 6 m2 et de se faire oublier, mais le terrain étant déjà « déminé » par le sociologue, cela se met rapidement en place. À partir de là, le travail du photographe commence, un travail qui s’appuie sur ce que j’ai compris et ce que je m’autorise aussi d’accidents, en prenant ce qui me surprend, en oubliant aussi l’intellect pour composer, cadrer. Quant à l’édition, elle laisse de nouveau la place aux éducateur/trices en les invitant à participer au choix final des images.
Un entretien collégial pour faire un choix
La première rencontre entre le sociologue, le photographe et les professionnel.les de la Protection Judiciaire de la Jeunesse est une occasion de mobiliser ces dernier.es lors d’un tour de table en leur demandant d’identifier des situations-types de leur métier : l’idée est de faire dire son métier au photographe pour qu’il puisse en saisir les différentes facettes. Vient ensuite le travail des prises de vues sur l’ensemble de la journée. Tout d’abord présent avec le photographe, le sociologue profite de ce moment pour lui demander de mettre l’accent quelques situations qu’il a préalablement identifiées lors de sa recherche. Certainement trop directif, le sociologue décide alors de laisser seul le photographe au sein du service. Après avoir réalisé 86 clichés en une journée sur l’activité des éducateur/trices en milieu ouvert, le photographe et le sociologue organisent une réunion de travail au sein de l’unité éducative. Puis vient le temps du retour avec les professionnel.es qui découvrent une journée de leur quotidien mis en image. S’ensuit un entretien collectif sur ce que racontent les images du travail des professionnel.les. Ces derniers n’étant pas habitués à se voir travailler en image font part de nombreux étonnements qui furent source de riches échanges, notamment par la confrontation d’un corps de travail à sa représentation.