Pourquoi étudier l'ignorance ?

“Cette notion de vérité, qui est typiquement philosophique, devient au XXIe siècle une notion politique. Comprendre ce qu’est la vérité, comment on la présente aux autres, comment sont construits les faits, savoir si les citoyens sont capables de faire la  différence entre le vrai et le faux, devient un enjeu important. La science et la politique se ressemblent beaucoup plus que ce qu’on pense.”

Gloria Origgi, Philosophe, chercheuse au CNRS, Institut Jean Nicod, dans un entretien sur France Culture, “Comment gouverner à l’ère de la post-vérité ?”, 04/03/2024

Pourquoi ?

Dans un monde où l’information circule plus vite que sa vérification, l’ignorance n’est pas qu’un “vide” à combler : elle se produit, se maintient, s’organise. Étudier l’ignorance, c’est mieux comprendre comment se construisent les savoirs, comment ils se déforment, et comment les institutions (médias, universités, industries, pouvoirs publics, citoyen·ne·s) y participent—volontairement ou non.

L’ ignorance, c’est quoi ?

L’ignorance peut se manifester de bien des façons… En attendant de lire nos articles de blog, voici quelques variantes de ce que l’on appelle “ignorance” :

  • Ignorance stratégique : fabrication ou entretien volontaire du doute (communication d’intérêt, lobbys, “marchand·e·s de doute”).
  • Ignorance par omission : angles morts et silences (sujets peu financés, protocoles qui écartent des données, absence d’archives).
  • Ignorance épistémique : part inhérente à toute production de savoir ; chaque avancée ouvre de nouvelles questions et des zones non sues.

Quelques mots-clés utiles:

  • Agnotologie : étude sociale de la production d’ignorance (comment, par qui, pourquoi).
  • Épistémologie : réflexion critique sur la production de connaissances (méthodes, critères, limites).
  • “Science-based/man-made” ignorance : ignorances engendrées par nos propres activités et techniques.

Pourquoi maintenant ?

  • Post‑vérité et défiance : la vérité s’est déplacée du seul terrain philosophique à l’espace public ; comprendre le vrai/faux est un enjeu démocratique.
  • Décisions sous incertitude : santé, environnement, technologies—agir sans simplifier ni nier les zones d’ignorance.
  • Éducation et émancipation : outiller chacun·e pour reconnaître les mécanismes de l’ignorance et développer des réflexes de vérification.

Un mot sur notre laboratoire

Le LERI² — Laboratoire Expérimental de Recherche Interdisciplinaire sur l’Ignorance — réunit des doctorant·e·s en arts, sciences humaines et sociales, sciences formelles et appliquées. Nous croisons méthodes et points de vue pour :

  • documenter les mécanismes de production de l’ignorance ;
  • clarifier les limites épistémiques des savoirs ;
  • partager ces analyses auprès d’un large public par des formats accessibles (blog, interventions, événements, podcasts, réseaux sociaux).

En quoi consiste notre approche ?

Nous envisageons, au LERI², deux axes complémentaires :

  • Recherche : bibliographie ciblée, clarifications conceptuelles, études de cas, protocoles (questionnaires, analyses de publications) pour qualifier et, quand c’est pertinent, quantifier l’ignorance dans la recherche académique.
  • Médiation : podcasts, blog, mini‑conférences, dispositifs immersifs (ex. “Dans le noir”), interventions en milieu scolaire, afin d’outiller l’esprit critique et de rendre visibles les méthodes universitaires (revue par les pairs, transparence des données, limites).

Les principes auxquels nous tenons :

  • Rigueur méthodologique et transparence.
  • Interdisciplinarité profonde et dialogue avec les savoirs non académiques.
  • Humilité face au savoir, à l’ignorance ; droit au doute argumenté.
  • Accessibilité : vulgarisation exigeante, inclusivité, formats variés.

En bref

Étudier l’ignorance, c’est apprendre à mieux voir ce que la connaissance laisse dans l’ombre, pour décider, créer et transmettre avec lucidité.

Le LERI² propose une recherche ouverte, exigeante et populaire, au croisement des connaissances, de ce qu’il reste à découvrir, et de ce qu’on ne saura jamais.