Quelques Définitions

Notions fondamentales

Ignorance (générale)

• Définition: Non-savoir ou décalage entre réalité et perception, pouvant résulter d’illusions, croyances, préjugés ou d’un déficit d’information. Ce concept est exploré à travers différentes approches philosophiques, orientales et occidentales, et joue un rôle important en économie contemporaine^[1].
• À retenir: L’ignorance n’est pas seulement absence; elle a des formes, des causes et des usages.

Ignorance savante

• Définition: Conscience de ses propres limites de connaissance; point de départ fécond pour poser de bonnes questions^[1]. Selon Kant, un « savant ignorant » est celui qui perçoit clairement les limites de la connaissance et sait où commence le champ de l’ignorance^[2].
• Simplement: « Je sais que je ne sais pas. »

Ignorance profonde

• Définition: On ne sait pas qu’on ne sait pas; source d’angles morts robustes^[1].

Ignorance scientifique (Scientific ignorance)

• Définition: Aveuglements et lacunes de la science elle-même, non réduite au « pas-encore-su », mais produite et reproduite par des facteurs sociaux et institutionnels^[2].

Programmes et cadres d’analyse

Agnotologie (Agnotology)

• Définition: Étude de la production culturelle de l’ignorance, un concept introduit par Robert N. Proctor. Elle explore comment l’ignorance est créée et maintenue dans divers contextes, y compris par la négligence délibérée, le secret ou la soustraction d’informations^[3][4].
• Simplement: Comment l’ignorance est fabriquée et entretenue.
• Ressource: Retrouvez les « Carnets d’études agnotologiques » et la définition d’« Agnotologie » sur Encyclopædia Universalis.

Undone science (Science non faite)

• Définition: Recherches identifiées comme socialement utiles mais sous-financées ou ignorées, souvent du fait d’asymétries de pouvoir et d’agendas de recherche structurés. Cela révèle une absence structurée de connaissances^[5][2].
• Simplement: Des questions importantes laissées en jachère.

Cultures du non-savoir (Cultures of non-knowledge)

• Définition: Manières spécifiques dont les disciplines produisent, reconnaissent et gèrent le non-savoir, considérant le non-savoir comme co-produit avec le savoir par les mêmes pratiques épistémiques^[2].
• Simplement: Chaque domaine a ses zones d’ombre « typiques » produites par ses propres méthodes.

Post-normal science (PNS)

• Définition: Cadre d’analyse pour les situations où les faits sont incertains, les valeurs disputées, les enjeux élevés et les décisions urgentes, nécessitant l’implication de « communautés de pairs étendues »^[2].
• Simplement: Ouvrir l’expertise quand on ne peut pas tout savoir, notamment face aux incertitudes environnementales et sanitaires.

Mécanismes et dispositifs

Science-based ignorance / Man-made ignorance

• Définition: Ignorance générée par les propres interventions techno-scientifiques et les activités humaines qui en découlent, souvent via des effets non anticipés ou inanticipables (ex. trou d’ozone, déchets nucléaires)^[2].

Ignorance spécifiée (Specified ignorance)

• Définition: Désigne ce qui n’est pas encore connu mais qui doit l’être pour jeter les bases de nouvelles connaissances; elle représente l’étape de « problem-finding » préalable à la recherche^[2].

« Known unknowns » / « Unknown unknowns »

• Définition: Distingue les inconnus que l’on sait ne pas connaître des inconnus dont on ignore l’existence. Cette distinction est cruciale pour cartographier le terrain de l’ignorance, en particulier dans des contextes de risques et d’incertitudes^[2].

Marchands de doute (Merchants of doubt)

• Définition: Stratégies employées par certains acteurs (souvent industriels) pour semer l’incertitude et délégitimer les résultats scientifiques afin de retarder la régulation (ex. industrie du tabac, discours climato-sceptiques)^[5][4].

Secret / Censure / Soustraction d’informations

• Définition: Procédés intentionnels d’invisibilisation de la connaissance, incluant la littérature classifiée, la suppression de données, ou l’entrave volontaire à certains domaines de recherche^[3][4].

Fétichisation des données (Data fetishization)

• Définition: Survalorisation des données qui peut masquer des dimensions situées, expérientielles, et produire de nouvelles ignorances en renforçant une rationalité technique de l’action^[5].

Politique de l’ignorance (Politics of ignorance)

• Définition: Usages intentionnels et institutionnels de l’ignorance (et de l’incertitude) dans l’action ou l’inaction publique, la régulation et la gestion des problèmes complexes. Cet axe explore notamment les liens entre savoirs et politiques^[5].

Approches disciplinaires et circulation

Épistémologie (sociale)

• Définition: Étude des conditions sociales de la production de la connaissance, analysant la co-production du savoir et de l’ignorance, la confiance, le scepticisme, et le relativisme^[4].

Pluridisciplinarité

• Définition: Juxtaposition de plusieurs disciplines travaillant sur un même objet, avec une coopération minimale et un faible degré d’intégration, pouvant créer des “interstices” entre les connaissances^[6].
• Limite: Risque de « compartiments » et d’interstices aveugles.

Interdisciplinarité

• Définition: Intégration de méthodes et de concepts de différentes disciplines pour traiter des problèmes communs, visant à réduire les angles morts épistémiques et à faire face à la complexité du monde^[6].
• Bénéfice: Réduit les angles morts produits par une seule discipline.

Transdisciplinarité

• Définition: Dépassement des frontières disciplinaires, intégrant les savoirs académiques et non académiques pour co-produire des connaissances orientées vers l’action, notamment pour des problèmes complexes sans solutions simples^[6].
• Usage: Problèmes complexes, à fortes implications sociales/environnementales.

Circulation des savoirs

• Définition: Étude des mouvements d’individus, d’objets, de concepts, de textes entre différentes disciplines ou sphères sociales, impliquant des processus de traduction, diffusion et adaptation^[7].
• Simplement: Comment les concepts voyagent et se transforment.

Concepts nomades / Analogies et métaphores

• Définition: Notions qui migrent et se reconfigurent entre les disciplines, portant des « théories en miniature ». Les analogies et métaphores servent d’outils heuristiques pour faciliter ces transferts et la construction de nouveaux points de vue^[7].

Communautés de pairs étendues (Extended peer communities)

• Définition: En contexte de post-normal science, cela désigne l’ouverture du jugement de qualité et de pertinence scientifique à des acteurs non académiques pour mieux prendre en compte les incertitudes et les valeurs en débat^[2].

Résumé des points clés