Villeurbanne : la mise en doute

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Référence bibliographique
«Villeurbanne : la mise en doute», Le Monde, Copferman Emile. 21 oct. 1971
Date
21 oct. 1971
Localisation
Retranscription

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"Inventer sans relâche, à l’intention de ce "non-public", des occasions de se politiser, de se choisir librement par delà le sentiment d’impuissance et d’absurdité que ne cesse de susciter en lui un système social où les hommes ne sont pratiquement jamais en mesure d’inventer ensemble leur propre humanité

Publiée partiellement par la presse le 29 Mai 1968, après le refus des ouvriers de Renault de reprendre le travail, la déclaration passa inaperçue du "non-public", occupé à d’autres tâches. Le texte alerta en revanche les responsables du secteur théâtral subventionné (et bien au-delà) qui font le voyage à Villeurbanne; de Chéreau à Valverde, de Barrault à Wilson, le ministère des affaires culturelles sera même représenté.

Trois ans après, que reste-t-il du manifeste de Villeurbanne ? Plus guère que la formule "non-public", le comité permanent s’est pratiquement fondu dans l’Association technique pour l’action culturelle (ATAC) – une assemblée de patrons inquiets des revendications de leurs employés ou de barons du régime menacés dans leurs privilèges par la piétaille culturelle, – à laquelle il a redonné vie. Le comité avait pourtant dressé un catalogue d’exigences liées à son analyse : révision du statut des théâtres populaires et des maisons de la culture; augmentation du budget des affaires culturelles (à 3 % de la masse globale du budget national); alignement des subventions des centres et maisons de la culture de province sur celles de Paris; établissement de schémas financiers; réforme des enseignements; cogestion des entreprises, etc.

Passé la grande grève de Mai-Juin 1968, le comité ne verra pas l’ombre d’une réalisation de son projet global. Au contraire. Une part des militants villeurbannais de Mai seront sanctionnés, suivant la forme que prendront, dans leur situation, la crise et ses séquelles; aujourd’hui sept sur vingt-trois, soit près du tiers, démissionnés, démissionnaires ou mutés ; Jean Dasté, Jean-Louis Barrault, Hubert Gignoux, René Jauneau, Gabriel Monnet, Maurice Sarrazin, Jo Tréhard.

… A la réfutation de Roland Leroy

Les critiques viennent aussi d’interlocuteurs généralement favorables. Dans France Nouvelle, hebdomadaire du comité central du parti communiste français (16 Octobre 1968), Roland Leroy, sous le titre "La classe ouvrière, le marxisme et la culture nationale", réfute l’attitude de ceux pour lesquels toute culture authentique suppose le refus des cultures passées.

Il dénonce l’appréciation fausse, à ses yeux, des rapports entre lutte politique et activités politiques "(…) qui conduit à exiger de celles-ci une fonction immédiatement et exclusivement politique (…)", pour finir par s’opposer à la déclaration des directeurs du comité permanent, selon laquelle leurs outils culturels doivent être des entreprises de politisation. Ce n’est pas ce que la classe ouvrière attend d’eux, répond Roland Leroy : "Leur rôle c’est de faire oeuvre de culture dans leur domaine et de gagner à leurs activités un public aussi large que possible. Ils sont compétents pour cela, alors qu’ils peuvent ne pas l’être tous pour des fonctions de leaders politiques (…) "•

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